Brücke mit Menschen im Hintergrund der schneebedeckte Mt. Fuji

De nombreux ateliers vendaient ces prises de vue comme souvenirs. C’est aussi grâce à leur diffusion en Europe que le Japon est devenu à la fin du XIXe siècle une destination de rêve pour de nombreux voyageurs.

La Collection ethnologique du Museum Natur und Mensch conserve un remarquable fonds de photographies japonaises, rassemblées par des voyageurs allemands pendant leur séjour au Japon à la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est l’époque à laquelle le Japon, cédant à la pression militaire des États-Unis, ouvre ses frontières aux entreprises commerciales et aux voyageurs occidentaux.

Ces photographies deviennent alors un moyen de conserver les souvenirs du voyage au Japon : en effet, les photographes locaux y dressent le portrait d’un pays et d’une culture, que celui-ci soit réaliste ou non. Soigneusement colorées à la main et conçues dans un esprit bien précis, ces images présentent des lieux célèbres et des scènes urbaines. Les portraits montrent des individus japonais vaquant à leurs occupations quotidiennes. Ces photos étaient vendues en grand nombre aux voyageurs occidentaux dans les boutiques de souvenirs et les ateliers des photographes occidentaux et japonais. Elles se distinguent par leur qualité technique, l’utilisation innovante d’un choix limité de couleurs aquarelle et leurs compositions saisissantes, souvent empreintes de silence. Ces photographies ont marqué les esprits des voyageurs et ont consolidé, reproduit ou même créé l’image d’un pays lointain et étranger.

Wand mit Einführungstext zur Ausstellung

Nikkō et le sanctuaire Tōshōgū

À la fin du XIXe siècle, Nikkō est l’une des destinations les plus populaires auprès des visiteurs étrangers. Située au nord de Tokyo, cette ville pouvait facilement être visitée en une journée. Faisant partie d’une région thermale, elle proposait un hébergement luxueux dans un certain nombre d’hôtels. Le Tōshōgū – un sanctuaire aux bâtiments colorés, richement aménagés et aux ornements sculptés avec raffinement – est dédié à Tokugawa Ieyasu (1543-1616), le fondateur de l’époque d’Edo. En raison de sa popularité, ce sanctuaire est devenu un motif récurrent des albums photos japonais. La Collection ethnologique détient un vaste ensemble de reproductions de ce site, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999. 

Eingangstreppe und Tor zum Nikkōsan-Rinnōji-Tempel

Escalier et porte à l’entrée du temple de Nikkōsan Rinnōji
Ce temple est situé dans la ville de Nikkō. Fondé il y a 1 200 ans, il est donc antérieur de plus de cinq cents ans au sanctuaire Tōshōgū, plus célèbre. Le temple abrite trois statues d’or de huit mètres de haut ; la salle principale du temple est la plus grande construction bouddhiste en bois de l’est du Japon. D’après un cachet au dos, la photo provient des studios Suzuki.

au bout de 1873, tirage gélatino-argentique colorié à la main
11,8 x 29,2 cm, Suzuki-Studios
Inv. XHF/IV/0333

Vue citadines

Les visiteurs étrangers du Japon portaient un intérêt particulier à la vie quotidienne des Japonais. De nombreuses photographies montrent les rues animées, les communautés paysannes ou encore les nombreux temples et sanctuaires. Les premières photographies figuraient principalement des lieux à Yokohama et Kamakura qui se trouvaient dans les zones accessibles aux étrangers – des accords correspondants avaient été négociés avec le gouvernement japonais. Plus tard, les photographies montraient également d’autres villes, comme Tokyo, l’une des plus grandes agglomérations urbaines du monde de l’époque. Ces clichés témoignent non seulement du savoir-faire des photographes, mais aussi de celui des coloristes. Ces derniers apportaient de la couleur aux photographies, ajoutaient des détails et des nuances ainsi que des éléments saisonniers, diurnes et atmosphériques, par exemple les omniprésentes feuilles d’automne.

Das Theaterviertel Isezakichō von Yokohama

Le quartier des théâtres Isezakichō à Yokohama
Sur la droite, les enseignes colorées d’un théâtre font la promotion de pièces de théâtre et d’acteurs célèbres. Les affiches peintes (ekamban), installées sous le toit, montrent des scènes dramatiques de ces pièces. La forme narrative japonaise rakugo jouait également un rôle important dans les divertissements proposés dans ces lieux. On aperçoit plusieurs pousse-pousse tirés par des porteurs.

au bout de 1879, tirage gélatino-argentique colorié à la main
11,9 x 29 cm, Photographe inconnu
Inv. XHF/IV/0406

Mises en scènes de la vie quotidienne

Les photographies les plus frappantes de la collection montrent des personnes de la population japonaise. Certaines photographies sont manifestement mises en scène et conçues pour répondre aux attentes occidentales. En revanche, d’autres images capturent des réactions authentiques et spontanées, donnant un aperçu de la personnalité des individus représentés. On remarque que de nombreuses photographies figurent des femmes, ce qui est probablement dû aux préférences des acheteurs, en majorité des hommes. Ces photographies ont contribué à forger l’image de la femme japonaise. 
D’autres formes d’art ont également inspiré les photographes : certaines photographies présentent des similitudes avec les gravures sur bois d’artistes tels que Kitagawa Utamaro (1753-1806). Ce dernier était un maître de la tradition figurative des « belles femmes » (bijinga), vieille de plusieurs siècles. Sur d’autres photographies, on note des traces de la modernisation qui bat son plein au Japon, notamment la présence de poteaux télégraphiques.

Eine Partie go

Une partie de go
Dans cette mise en scène d’atelier soigneusement composée, un homme âgé et une jeune femme jouent au go. Une jeune fille tenant un éventail les regarde jouer. À côté du plateau de jeu, on aperçoit de la nourriture et des boissons. Un tableau est accroché dans la niche tokonoma au fond de la pièce.

1860 - 1890, Tirage à l'albumine sur carton
21,6 x 26,6 cm, Photographe inconnu
Inv. XHF/IV/0633

Paysages

Nombre de voyageurs qui connaissaient ou même collectionnaient les gravures sur bois d’Utagawa Hiroshige (1797-1858) ou de Katsushika Hokusai (1760-1849) venaient au Japon avec l’espoir d’y trouver effectivement les paysages correspondants. Cependant, cette attente était quelque peu irréaliste dans un pays qui se modernisait à grande vitesse. De leur côté, les photographes et les coloristes s’efforçaient de répondre par leurs compositions à cette envie de retrouver des paysages évocateurs. Ainsi, on constate de nombreuses similitudes entre les photographies et les gravures sur bois aux motifs similaires. Parmi les sujets préférés de l’époque, on compte des vues célèbres comme celles du Mont Fuji ou des vues de lieux populaires. L’intention était probablement d’évoquer des souvenirs chez les acheteurs-rices – d’un motif qu’ils avaient vu sur des gravures, dans la réalité, ou bien seulement dans leur imagination.

Der Strand von Shichirigahama nahe der Insel Enoshima

La plage de Shichirigahama près de l’île Enoshima
Cette célèbre plage a souvent été représentée en peinture et sur des gravures sur bois japonaises. Elle se trouve près de l’île d’Enoshima, à gauche sur la photo, et du Mont Fuji, au centre, en arrière-plan. La plage s’appelle Shichirigahama et continue d’être une destination populaire de nos jours. C’était déjà le cas à l’époque à laquelle la photo a été réalisée, car, située non loin de Kamakura, cette plage était accessible en peu de temps depuis Yokohama.

1860 - 1890, tirage gélatino-argentique colorié à la main 
21,5 x 26,5 cm, Photographe inconnu
Inv. XHF/IV/0293

L’album accordéon d’un amiral allemand

100 photographies d’auteurs différents réunies dans un même album : cet album accordéon relié en soie est décoré de caractères promettant bonheur et longue vie à son détenteur. Il est conservé dans un coffret assorti en kiri (bois de paulownia), sur le couvercle duquel un-e artiste amateur-rice occidental-e, peut-être le propriétaire précédent lui-même, a dessiné un paysage. Cet album appartenait jadis à Victor Schönfelder (1856-1931), un amiral allemand qui a parcouru le monde avant de prendre sa retraite à Fribourg. Il se peut qu’il ait rassemblé ces photographies lui-même ; dans ce fonds, certains clichés réalisés par Uchida Kuichi (1844-1912) représentent l’empereur Meiji et son épouse. On remarquera que les légendes, provenant de différents auteurs et contenant des informations en allemand et en japonais, se contredisent en partie. Suite au décès de l’amiral, sa veuve a fait don de l’album au musée.

Das Leporello-Album in einer Vitrine in der Ausstellung

Ausstellungskatalog

Katalogcover

Erinnerungen schaffen = Creating memories: Japanese Photographs. Begleitbuch zur Ausstellung. Hrsg. von Lisa Bauer-Zhao. Dresden: Sandstein-Verlag 2023.

Le catalogue de l'exposition est disponible à la boutique du musée.