Grâce à une subvention du ministère des Sciences et des Arts, la collection d'ethnologie a pu mener une recherche exploratoire sur les provenances des fonds d'époque coloniale du Cameroun. Cet album présente une synthèse des résultats.

Le Projet

L’analyse critique des fonds issus de contextes coloniaux est un objectif qui relève d’une grande importance pour la valorisation de la Collection ethnologique. Ainsi, nous avons été particulièrement heureux que le Ministère de la Science, de la Recherche et de l’Art du Bade-Wurtemberg et la Ville de Fribourg-en-Brisgau nous aient permis par leur soutien d’effectuer, entre le 26/04/2022 et le 31/12/2022, l’étude des collections historiques provenant du territoire de l’actuel Cameroun.

Ce travail a fait l’objet d’un examen de la collection, d’une lecture d’ouvrages spécialisés, de recherches approfondies sur les pièces ainsi que sur les collectionneurs et leurs implications coloniales. En outre, ce projet prévoyait de consulter les dossiers pertinents de la collection, par exemple ceux des Archives municipales de Fribourg ou des Archives fédérales (département des Archives militaires de Fribourg). Toutes les pièces qui n’avaient pas encore été traitées pour la collection en ligne des musées municipaux ont également fait l’objet d’une mise à jour de la base de données afin de les préparer pour la mise en ligne. L’objectif était d’obtenir une vue d’ensemble systématique des fonds provenant du Cameroun et des propriétaires antérieurs, de tirer de nouvelles conclusions sur ces fonds lorsque cela était possible et de mettre ainsi à disposition des informations pour de futures demandes et coopérations. 

 

Eine Frau hält eine geschnitze Figur in der Hand. Im Hintergrund steht ein Laptop.
Die Ergebnisse der wiss. Bearbeitung werden in der Museumsdatenbank imdas pro festgehalten.
Foto: Axel Killian.

Pourquoi le Cameroun ?

Après le Sud-Ouest africain et le Togo, le Cameroun était la troisième colonie de l’Empire allemand en Afrique. Officiellement, le régime colonial commença au moment des fameux « traités de protection » conclus les 11 et 12 juillet 1884 avec les représentants des Duala et prit fin le 16 février 1916 à la capitulation de la « troupe de protection » restée à Mora (Cameroun). L’Empire allemand imposa sa domination d’une part en soumettant militairement les populations locales et d’autre part en signant divers traités avec d’autres puissances coloniales européennes.

L’objectif du régime de ‘domination protectrice’ était de garantir et d’imposer les intérêts des entreprises commerciales allemandes actives au Cameroun depuis la fin des années 1840, entre autres Woermann et Jantzen & Thormälen. L’expansion coloniale et militaire s’accompagna de la mise en place d’une vaste économie basée sur la culture des plantations et destinée à la production de cacao, canne à sucre et caoutchouc, de l’extraction de minerai de fer, bauxite et aluminium ainsi que de l’établissement de comptoirs commerciaux, ce qui amena le Cameroun à devenir la colonie la plus importante de l’Empire allemand sur le plan économique. Toutefois, ces activités économiques reposaient essentiellement sur l’exploitation massive de travailleurs forcés indigènes, dont de nombreux enfants qui réalisaient les profits des entreprises allemandes en étant soumis à des conditions cruelles et à un taux de mortalité élevé. Les conquêtes militaires et l’exercice du pouvoir par l’administration coloniale se sont toujours heurtés à une résistance locale parfois virulente, brutalement réprimée par le gouvernement colonial allemand. La résistance passive et active de la part de la population camerounaise s’est poursuivie malgré le continuel accroissement des troupes stationnées. 

La domination coloniale allemande au Cameroun se termina seulement à la Première Guerre mondiale. Après la capitulation des troupes allemandes, le Cameroun fut placé sous l’administration de la Grande-Bretagne et de la France définie dans le traité de Versailles conclu par la Société des Nations en 1919. Le Cameroun a obtenu son indépendance complète en 1961.

 

Historische Karte von Deutsch-Kamerun von dem Jahr 1905 aus Meyers Geographischer Hand-Atlas
Karte von Deutsch-Kamerun aus Meyers Geographischer Hand-Atlas (1905).

Sensibilité et collections d’époque coloniale en provenance du Cameroun

L’expansion coloniale au Cameroun a toujours été accompagnée par une appropriation d’objets. Sur la base du guide « Aborder les objets issus de contextes coloniaux » publié en 2021 par l’Association des musées allemands (Deutscher Museumsbund), des objets et des collections sont considérés comme sensibles d’un point de vue historique s’ils ont été collectés, acquis ou fabriqués dans des lieux et à des époques marqués par une très forte inégalité de pouvoir. Parmi les facteurs les plus divers, on compte l’influence d’idéologies discriminatoires comme le racisme, en passant par l’oppression ou la guerre, jusqu’au génocide. Les collections des musées ethnologiques ont été constituées en grande partie dans le cadre de contextes coloniaux et sont donc historiquement sensibles. 

Il peut s’agir d’objets provenant de circonstances d’acquisition très différentes : des objets dérobés sous la contrainte ou par la violence, mais aussi des objets fabriqués localement par des personnes à des fins de commerce avec les Européens. Cependant, les objets peuvent être sensibles, d’accès restreint ou nécessitant une protection particulière, non seulement en raison du contexte d’appropriation et de création, mais aussi en raison de leur signification ou de leur matérialité spécifique à la culture. Ces formes de sensibilité sont souvent étroitement liées.

L’étude approfondie des contextes concrets des fonds camerounais de la collection du Museum Natur und Mensch était donc un objectif important.

Comment ce décor de proue est-il parvenu du Cameroun jusqu’à Fribourg ? L’objet a été répertorié dans l’inventaire comme faisant partie du fonds ancien, sans aucune autre indication. Il n’est donc plus possible à présent de tirer des conclusions sur les ancien-ne-s propriétaires, les créateurs-rices ou les circonstances de son acquisition. L’étude d’objets comparables permet toutefois de déterminer que cette sculpture, également connue sous le nom de bec de navire, provient de Douala sur la côte camerounaise.

Bref résumé des résultats 

Les fonds camerounais de la Collection ethnologique

La Collection ethnologique répertorie au total 180 fiches d’objets du Cameroun dont environ 140 proviennent d’un contexte colonial. La plupart de ces objets peuvent être attribués à 30 individus et institutions identifiés jusqu’à présent. 25 objets sont entrés dans la collection dans des circonstances qui ne peuvent plus être reconstituées. Outre les armes de chasse et de guerre (par ex. couteaux, arcs, épées courtes et arbalètes) et les objets de la vie quotidienne (par ex. paniers, bols, sacs), les collections de l’époque coloniale originaires du Cameroun comprennent également des objets spécialement fabriqués pour le commerce avec les Européens (par ex. maquettes de bateaux, têtes de pipe ou calebasses). Il convient en outre de mentionner les objets à vocation cérémonielle, comme les masques ou les statues, les objets à fonction représentative et les instruments de musique. De manière générale, les différents lots sont très petits et ne contiennent souvent qu’un seul ou peu d’objets. À une exception près (la collection Heldt), on ne peut donc guère considérer qu’il s’agit de collections systématiques, ni pour les différentes collections, ni pour l’ensemble des collections du Cameroun.

Dans la plupart des cas, il n’a pas été possible de retracer les spécificités de l’acquisition de ces objets au Cameroun. La recherche approfondie autour des collections s’est avérée difficile dans le cadre de du projet car la documentation existante est souvent trop sommaire, biaisée ou même incorrecte. Ainsi, les attributions territoriales et ethniques des collections reflètent davantage les catégories eurocentristes du régime colonial et de la collection muséale de l’époque que les réalités locales. Une étude approfondie en coopération avec des représentantes et représentants du Cameroun est donc absolument souhaitable pour l’avenir.

Un objet provenant d’un collectionneur. Hans Houben, lieutenant de la « Schutztruppe » du Cameroun, a remis au musée un carquois avec des flèches empoisonnées.

Cette calebasse, décorée par des entailles et des gravures au feu, est ornée de grands voiliers en train d’être chargés ou déchargés. L’un d’entre eux arbore le drapeau britannique. Il s’agit probablement d’un souvenir fabriqué pour le commerce.

Selon les informations disponibles, l’ancien propriétaire, F. Staschewski, avait lui-même échangé cet impressionnant masque cimier sur place.

En apparence anodins, les sacs en raphia étaient très prisés au sein de nombreuses sociétés camerounaises.

En point de mire : Eyema Byeri

Parmi les nombreux objets variés du fonds camerounais de la collection d’ethnologie, deux figures sculptées seront par la suite présentées en détail, tant du point de vue de leur signification historique que des multiples sensibilités qu’elles reflètent. 

Les eyema byeri sont souvent appelés gardiens de reliquaire ou figures de reliquaire. En réalité, le terme byeri ne désignait pas seulement la figure, mais tout un ensemble composé de différentes parties ayant chacune leur propre dénomination : les figurines (eyema byeri), les têtes de reliquaire (nlo byeri) et les récipients cylindriques en écorce d’arbre (nskeh byeri). 

Les figurines étaient fixées au moyen d’une épine sur le bord des reliquaires en écorce d’arbre. Ces boîtes contenaient des crânes et d’autres ossements, ainsi que parfois des perles de verre et des bijoux des ancêtres d’une famille ou d’un clan. Les restes humains étaient au cœur de différents actes rituels destinés à préparer les expéditions de chasse et de guerre ou la construction d’une nouvelle maison. Pour ce faire, les ossements étaient retirés des reliquaires en écorce et nourris d’offrandes telles que du sang animal, du manioc, de la viande ou de l’eau, et enduits de substances magiques. Les figurines eyema byeri servaient à protéger les ossements, ne faisant pas l’objet d’une offrande ou d’un culte. En dehors de l’utilisation rituelle, ces ensembles de reliquaires étaient conservés dans les locaux des anciens de la famille ou du clan. Là, ils étaient conservés de manière à être inaccessibles aux femmes, aux enfants et aux hommes non-initiés. La composition des ensembles de reliquaires, les circonstances de leur utilisation et leur stockage variaient selon les groupes et les collectifs au sein desquels de telles pratiques ancestrales étaient pratiquées.

En raison de leur conception artistique, ce sont surtout les eyema byeri qui intéressaient les collectionneurs-ses européens, tandis que, pour la population locale, c’étaient les restes humains auxquels ils attribuaient la plus grande importance dans le cadre de la vénération des ancêtres. Pour cette raison, il était relativement facile d’acquérir des sculptures. Ces divergences d’appréciation ont marqué durablement les collections des musées : après leur acquisition, les ensembles de reliquaires ont souvent été divisés et séparés. C’est pourquoi il n’est souvent plus possible actuellement de reconstituer le lien initial entre les éléments d’un même ensemble ou leur origine exacte. 

Il en va de même pour les deux figurines identifiées comme étant des eyema byeri de la Collection ethnologique de Fribourg. Lors de leur entrée dans la collection, aucune indication précise n’était disponible quant à leur origine. Plus tard, l’incertitude quant à leur appartenance a persisté, elles ont été décrites comme provenant peut-être de Yaoundé, de Pangwe ou de Fang. Cela ne pourra guère être concrétisé à l’avenir, car les eyema byeri étaient fabriqués de manière similaire par différents groupes. En ce qui concerne leurs particularités stylistiques, aucune attribution claire à des groupes ethniques ou à des communautés d’origine ne peut être faite actuellement.

Par leur présence dans les collections, les eyema byeri témoignent toujours de multiples formes de sensibilité : leur appropriation s’est faite dans des contextes coloniaux marqués par des inégalités de pouvoir évidentes et des situations de guerre sous-jacente, même si les circonstances précises du transfert de ces objets étaient certainement très différentes les unes des autres. Il convient en outre de garder à l’esprit que les restes humains faisaient partie de ces ensembles et que la question de leur devenir reste le plus souvent sans réponse. Les contraintes en matière d’accès aux sites des reliquaires renvoient en outre à d’autres dimensions de sensibilité. De même, l’évaluation des sculptures par les collectionneurs selon des critères essentiellement esthétiques, sans se soucier de leur importance et de leur origine concrète, relève d’une forme de sensibilité déterminée par les relations de pouvoir. Les objets religieux ayant été arrachés à leur contexte social, l’acte d’appropriation a ensuite permis aux collectionneurs de réinterpréter ces objets.

Voilà qui démontre les difficultés à classer les objets selon des catégories du type objet d’art/objet rituel ou encore sensible/non sensible. En revanche, les eyema byeri, comme de nombreux autres objets de la Collection ethnologique originaire du Cameroun, sont un bon exemple des multiples dimensions de sensibilité, étroitement mêlées les unes aux autres. 

Les propriétaires antérieur-e-s

Parmi les propriétaires antérieurs identifiables, en majorité des hommes, la plupart sont arrivés au Cameroun comme personnels militaires, employés de l’administration ou de l’économie coloniale, marchands de denrées naturelles ou négociants d’ethnographies. En exerçant ces fonctions, ils ont directement bénéficié des infrastructures coloniales qui leur ont permis de s’approprier des objets. Leurs motivations à remettre des objets au musée étaient de nature diverse. Certains avaient des liens personnels avec Fribourg et se sentaient proches de la ville, d’autres ont été contactés par la direction du musée par le biais du maire, tandis que d’autres encore avaient constitué de grandes collections prévues pour la vente. Souvent, ce sont également les héritiers de ces personnes qui ont fait don de ces objets à la collection. Dans le cadre du projet, de courtes biographies individuelles des anciens propriétaires ont été rédigées ou complétées en fonction des sources, résumant leur carrière, leurs liens avec le colonialisme allemand et leurs relations avec le musée.

À titre exemplaire, nous présentons ici brièvement trois propriétaires antérieurs qui, chacun à leur manière, représentent un collectionneur typique : le capitaine Johannes Heldt, le lieutenant Oskar Schmidt et l’agent commercial Theodor Birk.
 

Johannes Heldt

Le plus gros lot de pièces camerounaises d’un seul collectionneur provient du capitaine Johannes Christian Eiler Heldt qui, entre 1899 et 1903, a vendu sa vaste collection africaine au musée. Johannes Heldt est né le 16/09/1858 à Apenrade au Danemark. En 1886, il se marie dans la ville allemande de Flensburg avec Maria Anna Bertha Bielefeld. Vers 1890, Johannes Heldt et sa famille s’installent à Hambourg. Il y travaille comme capitaine pour la ligne Woermann. Faisant partie du groupe Woermann, cette compagnie de navigation importait principalement des fruits de palmier à huile, de l’ivoire et du caoutchouc depuis les colonies allemandes en Afrique et joua un rôle déterminant dans la mise en place de la colonie au Cameroun. Les navires de la ligne Woermann servaient en outre à distribuer le courrier et à transporter des passagers et des soldats de la « troupe de protection ». Après avoir été capitaine, Johannes Heldt fut inspecteur de la compagnie maritime. Il est décédé le 13 avril 1925. 

Comme le montrent les dossiers historiques de la collection du musée, le directeur Hugo Ficke fut mis en contact avec le capitaine Heldt qui souhaitait vendre sa collection, lors d’un voyage de prospection à Hambourg en octobre 1899. La collection du capitaine Heldt comportait 452 pièces, acquises au prix de 1650 marks par Hugo Ficke, lequel l’a décrite dans une lettre adressée au musée comme « très belle et très complète ». La majeure partie de ces pièces est entrée dans la collection de Fribourg et certaines autres ont été échangées ou vendues au musée de Hambourg. La provenance camerounaise est documentée dans l’inventaire pour une cinquantaine de pièces de cette collection. Parmi celles-ci, on trouve des figurines sculptées, un tabouret, des têtes de pipe, plusieurs maquettes de bateaux, quatre tambours à fentes, ainsi que des armes, des rames et des objets de la vie quotidienne. Le capitaine Heldt n’a laissé aucune trace quant aux circonstances de ses acquisitions. Sa collection africaine reflète toutefois assez fidèlement son itinéraire entre le Maroc et l’actuelle Namibie, de sorte que l’on suppose qu’il a acquis les objets dans les ports qu’il visitait lors de ses escales. De nombreux objets sont des souvenirs typiques, tels qu’ils étaient déjà fabriqués à l’époque pour être vendus aux voyageurs et aux collectionneurs européens. Dans certains cas, les indications d’origine du collectionneur suggèrent que les objets proviennent de l’intérieur du pays ou des régions voisines rattachées via des routes commerciales. On ignore encore si le capitaine Heldt a également fait acquisition de ces objets dans les mêmes ports, auprès d’intermédiaires locaux ou allemands, ou s’il a peut-être lui-même effectué de longs voyages à l’intérieur de la colonie et collecté ses pièces à cette occasion. En tant que capitaine de la plus importante compagnie maritime pour le commerce avec la colonie, il avait en tout cas un accès privilégié aux infrastructures qui permettaient de collecter et de transporter la culture matérielle du Cameroun.

Oskar Schmidt

Joseph Adolf Oscar Schmidt est né le 06/01/1872 à Bruchsal et a effectué une carrière militaire qui l’a conduit à occuper des postes à responsabilité dans la « Schutztruppe » coloniale et l’administration coloniale au Cameroun et au Togo. Sa première mention du Cameroun est celle d’assistant de station à Edéa en 1896, suivie d’autres affectations à Mpim (1896), à la construction de routes entre Victoria et Buëa (1899), comme chef de la station gouvernementale Johann-Albrechtshöhe à Barombi (1900) et comme officier de district à Edéa (1903). Durant cette période, Schmidt est retourné plusieurs fois en Allemagne pour des soucis de santé. En avril 1904, Schmidt quitte la « Schutztruppe ». En 1910, il fonde avec son frère Alfred la société « Großfarm- und Faktoreibetrieb Kamerun-Hochland GmbH » qui exploite des établissements commerciaux et des plantations dans la colonie.

Comme il ressort des dossiers historiques de la collection, Schmidt a vendu en 1900 environ deux douzaines d’objets provenant de la région de Bali aux Collections municipales. Il s’agissait principalement de lances et d’une arbalète, mais également de paniers, de sacs en tissu et de têtes de pipe. On ignore les circonstances dans lesquelles il est entré en possession de ces objets. Schmidt était lieutenant de la « Schutztruppe » pendant cette période et chef de station à Barombi, on peut donc supposer qu’il a participé à des interventions militaires pendant cette période. Son activité dans le domaine de la construction de chemins qui visait à la fois à aménager et soumettre des régions jusqu’alors inaccessibles, laisse également supposer des contextes de violence. Sa participation à des expéditions punitives est en outre attestée. Des recherches plus approfondies seront nécessaires pour déterminer si sa collection fribourgeoise provient de tels contextes. Outre sa collection pour Fribourg, Oskar Schmidt a également constitué une collection pour le Linden-Museum de Stuttgart. 

Theodor Birk

Theodor Birk est un exemple de collectionneur dont on ne dispose jusqu’à présent que de très peu d’informations. Comme il ressort d’une entrée du 19/01/1909 dans le registre des donations, l’ancien Musée d’histoire naturelle et d’ethnologie de Fribourg a reçu de sa part une donation composée de « pièces ethnographiques et 2 cornes du Cameroun ». Une correspondance datant de mai 1909 fait état d’une proposition de Birk consistant à collecter d’autres objets au Cameroun pour le musée, à condition qu’on lui rembourse ses frais. Le musée refusa cette offre pour des raisons budgétaires. Birk a signé la lettre mentionnant son emploi au service de la Compagnie ouest-africaine à Yaoundé-Dendeng. Néanmoins, aucune preuve des activités d’un Theodor Birk pour cette entreprise commerciale n’a pu être apportée jusqu’à présent. Sa collection comprend huit pièces d’inventaire dont des vêtements, des armes, un coran relié en cuir et une mandoline. Jusqu’à présent, trois des objets ont pu être attribués, mais on ignore encore la situation des pièces restantes. On peut du moins supposer un lien biographique reliant Birk à Fribourg car il mentionne dans sa lettre qu’il a remis les objets sur place au musée.

Les trois personnalités Heldt, Schmidt et Birk sont tout à fait représentatives des types de collectionneurs qui figurent généralement dans les collections coloniales africaines. Ils étaient capitaines, militaires, membres de l’administration coloniale, commerçants ou entrepreneurs, avec parfois des fonctions qui se chevauchaient. Dans presque tous les cas, il est difficile de vérifier concrètement comment les objets sont entrés en leur possession, si la contrainte ou la violence ont joué un rôle ou si les transactions se sont déroulées principalement par échange ou achat. Il n’en reste pas moins que ces acteurs, et avec eux les institutions chargées de la collecte, ont bénéficié des infrastructures impériales qui ont contribué à l’exploitation des colonies et de leurs populations colonisées.

Bilan

Dans le cadre de la recherche de provenance, l’histoire de la création de la collection camerounaise du Museum Natur und Mensch a pu être reconstituée en grande partie. L’examen systématique des fonds a montré que le profil de la collection camerounaise de Fribourg présente des traits caractéristiques de collections issues de contextes coloniaux. Cela concerne d’une part le cursus des collectionneurs qui ont apporté des objets du Cameroun à Fribourg. La reconstitution des biographies des collectionneurs a confirmé que ceux-ci appartenaient pour la plupart à la « Schutztruppe » coloniale ou étaient des employés de l’administration coloniale, de l’économie coloniale ou des commerçants de denrées naturelles et d’ethnographies.

La collection est également caractérisée par la composition de ses fonds. Elle comprend une grande partie d’armes de chasse et de guerre, des objets de la vie quotidienne ainsi que des pièces fabriquées pour le commerce avec les acteurs coloniaux. On y trouve également des objets à caractère rituel, des objets à fonction représentative et des instruments de musique. Comme la plupart des collections sont très petites et ne se composent souvent que de peu d’objets ou d’objets isolés, on ne peut guère affirmer qu’il s’agit de collections constituées de manière ciblée, que ce soit pour l’ensemble des collections ou pour les différents lots. Conformément au guide « Aborder les objets issus de contextes coloniaux » (2021) de l’Association des musées allemands (Deutscher Museumsbund), les collections du Cameroun doivent être considérées à la fois sensibles d’un point de vue historique et en partie sensibles d’un point de vue culturel. 

Enfin, la collection de fonds d’époque coloniale du Cameroun est également particulière en ce qui concerne ses desiderata : la documentation dans les archives est à la fois lacunaire et souvent incorrecte ou biaisée dans les attributions, car les classifications territoriales et ethniques qui y sont faites reflètent en premier lieu des logiques de classement réalisées dans un esprit muséal ou colonial. Compléter ces connaissances tirées d’archives coloniales et les remettre en contexte grâce aux perspectives de personnes issues des sociétés d’origine est une étape importante de la recherche de provenance décoloniale qu’il s’agira de mener. Le projet de recherche « Provenienzforschung Kamerun » a réuni les conditions requises afin de traiter des demandes de manière compétente et rapide, et de développer des coopérations ciblées avec les partenaires camerounais.

Soutien

Ce projet de recherche a obtenu le soutien du Ministère de la Science, de la Recherche et de l’Art du Bade-Wurtemberg et de la Ville de Fribourg.

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Auteur et autrice : Stefanie Schien et Godwin Kornes, 2023

Traducteur-rice : Julia Walter, 2023

Tous les fonds de la collection du Cameroun sont disponibles ici.